Digital Media / Dark Music Kultüre & more

Chroniques

Musiques, films, livres, BD, culture… Obsküre vous emmène dans leurs entrailles

Image de présentation
Album
05/06/2023

Troller

Drain

Label : Relapse
Date de sortie : 2023/05/26
Genre : dark pop / electro / witch house / goth pop
Note : 80%
Posté par : Emmanuël Hennequin

Troisième format long, et le premier pour Relapse. Troller (Austin) avait annoncé la couleur sur les deux premiers longs : un son ténébreusement languide, des ambiances qui s’étirent. L’endroit était hanté mais avec Drain, Troller concentre son propos plus que jamais : les deux morceaux cadres sont les plus imposants et ceux par lesquels le travail d’ambiance s’affirme le plus, au sens du format. "Victim", dont les presque neuf minutes jouent le rôle d’ouverture, présente une ambition filmique, ambition tout court. Une certaine vision de l’amour, dans l’ambivalence du sentiment. 

Troller ne fait pas dans la facilité sur Drain, sans tomber dans l’hermétisme que les premières écoutes font craindre. La production a opté pour une froideur certaine, un vernis qui confine. Mais la répétition des écoutes vous rend ce rituel familier, et le son à mi-chemin entre doom et darkwave infuse au long cours. Peu à peu, il fait de "Victim" comme un miroir réfléchissant. Les phrasés vocaux étirés d’Amber Star-Goers veulent ici jouer un rôle d’éclaireur, mais l’incertitude demeure sur les deux tiers du titre, avant que Troller décide d’emballer la machine et le drama. Le final "Gore" actionnera des leviers comparables : guitares au fond, substances fantomatiques dans le son.

Si Drain contient des guitares (des vraies, une première), c’est surtout le machinisme de ses reliefs qui frappe encore, et le plus. Les épaisseurs organiques certes sont là, quelque part, mais pas frontales et laissent supposer un rôle de poids joué par la personne d’Adam Jones (S U R V I V E) dans ce sound design. Pour autant, c’est le compagnon d’Amber, Justin Star-Goers (guitares, électronique), qui produit.

Parfois à la manière d’un Collide mais dans un feeling moins ouvertement trip hop, Troller impose un son envoûtant et que ne quittent ses inflexions expé sur les titres courts ("Lust in us" pose le mystère de l’amour, où s’entremêlent la perte de soi en l’autre et sa limite en notre finitude). Néanmoins le trio cherche aussi à faire des chansons, à créer des mélodies qui vous resteront en mémoire quand bien même elles ne seraient pas des plus immédiates ("Into Dust" et ses stridences finales de guitares orientées death rock). À d’autres moments, le groupe se fait plus tendre, duveteux : "Out Back" et son electronica optent pour un spleen caressant, et vous tenez là sans doute l’un des morceaux les plus directement mémorisables de l’ensemble avec le successeur "Lictor" (qui de loin nous fait repenser à Collide).

Drain est un moment de la vie de Troller où le groupe dit s’être autonomisé : il s’est équipé, a enregistré en autarcie, et s’est produit pour ce premier volume pour le label metal / expé américain. C’est un bloc de son qui construit sur quelques fondamentaux : épaisseurs de synthèse, boucles hypnotiques, reliefs translucides. Un bloc de son qui fige une tension intérieure, l’esthétise en même temps qu’il veut retranscrire quelque chose qui tient de l’esprit. Une ambiguïté sensuelle.

Tracklist
  • 01. Victim
  • 02. Lust in us
  • 03. Into Dust
  • 04. Out Back
  • 05. Lictor
  • 06. Drain
  • 07. Rat Nest
  • 08. Gore