Déjà vingt ans que Martyn Bates et Alan Trench ont lancé Twelve Thousand Days, et ce cinquième album figure sans aucun doute parmi leurs plus grandes réussites. S'inscrivant totalement dans un style dark folk, le projet a su tirer le meilleur des expériences passées d'Alan Trench (Orchis, Temple Music, cofondateur du label mythique World Serpent) pour les adapter aux vocalises uniques et délicates de Bates, dont on connaît la capacité à s'adapter à des univers variés (Eyeless In Gaza, ses collaborations avec Mick Harris, Anne Clark ou Troum).
Dès le titre introductif, "Planet Caravan" (reprise de Black Sabbath), le ton est là, aérien, planant, avec une riche instrumentation de cordes acoustiques et tout un habillage complexe, puissant et assez inquiétant. S'y mêlent dulcimer, orgue, mellotron, tzouras, balalaika, synthétiseurs, guitares, shruti box, piano, guitares et percussions, des instruments d'origine indienne, russe, grecque et d'un peu partout, auxquels s'ajoutent des samples, sons inversés et des effets créant beaucoup d'étrangeté (les soupirs de "Drakestones") jusqu'à apparenter la folk au style drone ("I know you"). Ces nappages ambient et notes maintenues hantent d'ailleurs l'intégralité du disque pour soutenir l'émotion maniériste du chant de Bates. La voix de Trench, quant à elle, se rapproche plus d'un timbre à la Nick Cave ("Black Mountain Side"). On se situe à la fois dans la phase la plus éthérée du néofolk (on pense à la période Current 93 avec Michael Cashmore, le projet Skin de Jarboe/Gira...) mais le duo cherche aussi à travers ce disque à revenir aux origines de la folk anglaise, notamment au travers des reprises d'Alasdair Clayre ("Adam and the Beasts"), Vashti Bunyan ("If In Winter") et Bob Pegg ("King Dog").
Comme la pochette le laisse présager avec cette main qui se transforme en arbre, les sentiments humains s'identifient ici à la nature : le ciel, les collines, les fleurs, la lune, la mer, le vent, la pluie, le sable... Les paysages y sont plutôt automnaux voire hivernaux, mais la lumière y est belle et gracieuse, d'une grande élégance, invitant à des rêveries infinies. On sent que les musiciens ont peaufiné les arrangements pendant les trois mois d'enregistrement pour donner toute cette dimension mystique et élégiaque à l'album. Car ce ne sont pas de simples ballades folk que l'on écoute : on est dans quelque chose de bien plus brumeux et crépusculaire, même si à la fin du voyage la douceur l'emporte ("Wistman's Wood"). Et s'il ne fallait garder qu'une chanson parmi cette heure de musique, ce serait sûrement ce "Field's End". Un futur classique néofolk. On y trouve la quintessence de leur travail et... ça donne des frissons !
Attention, c'est une édition limitée à 500 exemplaires. Précipitez-vous.