On ne s’était pas encore remis de leur album de l’année dernière, l’excellent The Boatman On The Downs, que le projet de Martyn Bates et Alan Trench nous offre ce nouvel opus, leur huitième, avec leur néofolk toujours aussi classieuse et onirique. Les ambiances sont hantées et élégiaques, avec une instrumentation riche qui dresse un canevas complexe duquel émerge la guitare acoustique et les voix mélodieuses. La reprise de "The Werewolf" de Michael Hurley donne la couleur, s’inscrivant à la fois dans la lignée d’un son à la Current 93/Nurse With Wound avec un fond toujours inquiétant et indéniablement gothique. Les violons grincent, les râles vocaux appellent les créatures nocturnes et le chant de petite fille réverbérée n’est pas sans rappeler des films comme La Nuit Du Chasseur ou Les Innocents.
Sur le réarrangement d’un air traditionnel, "The bitter Withy", la flûte traversière et les guitares traitées à la delay, comme jouées par Robin Guthrie, pourraient plutôt évoquer la rosée du matin, les vocalises de Bates évanescentes comme jamais. Clairement, le duo sait créer des canevas sonores hors du temps, et l’influence principale pour ce disque a été le poète métaphysique gallois du XVIIe siècle Henry Vaughan. En termes de climats rêveurs, les deux musiciens maîtrisent et utilisent tous les effets électroniques nécessaires à cet effet tout en gardant une pureté folk, comme dans la reprise de "Evenings of Damask" de T. Rex, où le chant sert de base à toutes les clochettes, filtres et sons qui en émergent. L’émotion est à fleur de peau sur les deux plus grands moments de l’album : "Five and Six and Seven", porté par l’orgue et des accords à la fois dissonants et hallucinés, et l’incroyable "Four Rode", sorte de comptine terrifiante accompagnée d’un thérémine spectral et d’un souffle menaçant.
Toujours dans une veine très éthérée et planante, la reprise de la chanson folk "The Keys of Canterbury" dégage au final un sentiment bien plus proche des morceaux les plus intimes de Durutti Column. Et le morceau-titre "They Have All Gone Into The World Of Light" relève clairement de l’ambient. Si l’album se fait de plus en plus abstrait au fil des chansons, avec des guitares plus héroïques et démonstratives ("Your Beauty", "The Green Wood"), on ne peut nier le caractère très recherché de cette musique et sa capacité à nous emporter dans des univers parallèles.