Versari, Jean-Charles Versari... Mais oui, le chanteur qu'on entendait chez Theo Hakola pour "Quand on est riche, on est différent" et "La Boussole", le chanteur des Hurleurs (dont on conseille fortement Ciel d'Encre) et qui depuis déjà deux albums officie dans ce qui est devenu un trio qui porte son nom.
Pour ce troisième album, sa chanson française de poète ténébreux se pare légèrement de contours noise-rock gothiques à la Birthday Party. Passés les premiers titres où la scansion de sa voix peut intriguer (avant qu'on ne fasse le lien avec Les Hurleurs), on entre dans un univers très cohérent. Belle signature que réalise ici UPR puisque Versari s'échappe en partie de T-Rec, son label monté avec Cyril Bilbeaud et Serge Teyssot-Gay (qui a signé Françoiz Breut, Tue-Loup...) et gagne du même coup un label à la visibilité plus marquée dans les musiques sombres (mais la version vinyle reste chez T-Rec).
On peut donc réévaluer ce projet à côté duquel j'étais passé ces dernières années, la faute sans doute à une promo plus large depuis 2007 et leur première sortie, Jour Après Jour. La pochette peinte par James F. Johnston (de Gallon Drunk) ravive aussi les souvenirs des premiers Theo Hakola (voir les peintures de l'époque Hunger Of A Thin Man). La dimension chanson demeure sur des titres évidents ("Brûle", quelque part entre Kaolin et Frédéric Truong) et la scansion lente des vers évoque la manière de Dominique A ("Tu te disais" et surtout le magnifique final de "Plus de Tristesse"). La justesse de la musique (la frappe de la batterie de Cyril Bilbeaud de Sloy en premier lieu) permet aux paroles de se poser avec précision et honnêteté, dressant les paysages de la perte en mots justes, sur des compositions un peu noise. La basse (Laureline Prod'homme, aux chœurs également) reste cependant en retrait ; en tendant l'oreille, on entend sa ligne parfaite ("La Peur au Ventre") ; les lignes de synthé sont-elles très loin, malheureusement : la faute peut-être à un enregistrement-mixage (Vincent Lecouplier et Jean-Charles lui-même ; puis Allen de Station 7) qui a choisi de mettre en avant les belles volutes de la guitare ?
Ces guitares de Jean-Charles (secondé sur "Tu te disais" par l'ami fidèle Adrian Utley de Portishead) délivrent une acidité contenue, intéressante, mais tempérée par le registre du format. On aime particulièrement le coup de collier de "Reviens" qui bascule sur un climat de cabaret rock et noir, très proche des sources du post-punk, Versari jouant parfois avec les codes sixties et garage ("Némesis" rappellera Bashung). L'album donne un excellent aperçu de ce que fait désormais Jean-Charles, mais reste dans un entre-deux qui rogne une partie de ses possibles. Le jeu sur scène au sortir du confinement viendra donner d'autres couleurs, parions-le, si l'on se souvient notamment de la reprise à la fois douce et possédée de Fugazi, "Exit only".