Vesperine a la rage. Une rage de vaincre les illusions qui nous bercent et nous confortent dans notre médiocrité existentielle. L’espoir ? Il permet de vivre, mais il détruit aussi notre âme et nos forces agissantes si l’on s’appuie trop sur son promontoire idéal. Le quintette lyonnais explore dans ce second long format toute une palette de sentiments à la fois contradictoires et cohérents. Reprenant là où il avait laissé les choses avec l’excellent Espérer Sombrer (2019), le groupe hausse le ton. Pour illustrer notre propos sur le concept latent de ce disque, laissons la parole aux intéressés lorsqu’ils évoquent "Mouvement II - Interférence", qui a fait l’objet d’un clip : "Ce morceau constitue notre hymne à la création. Une création délivrée de tout espoir, loin de son regard, nous permettant d’essayer et d’explorer sans relâche."
Alternant avec efficacité les humeurs et les rythmes, le groupe brille par sa puissance introspective et sonore. En trois mouvements de deux morceaux chacun, la formation post-hardcore entraîne l’auditeur dans un univers en clair-obscur où l’exaltation laisse place au calme et à la décharge émotionnelle. C’est grand, intelligent et plutôt poétique. Brisant parfois les structures établies, les cinq musiciens affirment leur talent en variant donc l’intensité, une marque de fabrique qui les distingue résolument. Bien sûr, il y a un peu de Cult Of Luna et Neurosis chez nos gaillards, mais ils savent déterminer une identité. Celle-ci se lit dans le champ lexical employé et aussi dans la volonté de s’aventurer vers plus de douceur. "Mouvement I - Universelle Liesse" opte ainsi vers un son flottant, quasi planant, une forme post-rock romantique de bon aloi. Perpétuel navigue entre différentes eaux, mais reste fidèle à un certain sens du tragique. Le chant de Rémi Lasowy joue beaucoup pour donner cette impression de désespoir à vif. Screamo et urgence ressortent de ses imprécations volubiles. Cela s’entend en particulier sur "Mouvement I - À Cœur Joie" et "Mouvement III - Mauvaise Herbe", deux titres épiques dépassant les dix minutes. Cette nouvelle offrande confirme tout le bien que l’on pensait d’eux. Enregistré et mixé en compagnie d’Amaury Sauvé et masterisé par Thibault Chaumont (Igorrr, entre autres), Perpétuel glace le sang et réchauffe le cœur. Vesperine noue sa détresse à la quiétude, dans une valse dynamique et onirique où le sludge côtoie des élans extrêmes et tendres. Un savant mélange qui donne envie de headbanguer en silence. Paradoxal ? À première vue oui. Mais en creusant l’art des Français, on s’aperçoit que derrière une façade violente se cache une vision positive et un appel à une sorte de sagesse.