Wyhar Ee (à prononcer à l'anglaise : Y-R-E) est un des projets affiliés à The Swindle et son post-art. C'est le projet personnel du guitariste du premier, mais, à la lecture et au texte, on retrouve Jason Mache. Le disque est en deux parties clairement identifiées. La première était disponible sur le bandcamp de Wyhar Ee depuis septembre 2018.
Ce "voyage d'un homme-arbre" se compose de deux longues plages, "The frantic Run" et "Wander along the northern Shores". Cette première partie se dessine elle-même en mouvements instrumentaux. Les fantômes du Floyd passés sous une moulinette post y planent. Une attente prend forme, générant après tâtonnements un appel drone de synthèse en mode wave aux six minutes. Musique liturgique et rêveuse, accompagnatrice de détente et d'envol. Des volutes supplémentaires densifient le voyage avant de nous laisser perdus. La suite s'enchaîne avec cette même note en sonar sous-marin. Des samples de vent et de vagues, captés à Brighton, accompagnent une guitare faussement folk, dont les accords lents, répétés en échos, ne sont pas loin des manières d’un Earth. Les voix modulent une plainte, une étrange mélopée digne de chants marins au charme hypnotique. Cela suggère la captation d'une tranche immémoriale de douceur, un descriptif de sensations perçues au bord de l'eau, gorgées d'une histoire passée, en partie oubliée. Les cordes et les tambours qui percussionnent d'abord avec sobriété, puis qui emplissent l'espace, narrent des exploits autrefois connus et désormais volatilisés. Une mélancolie évidente trace sa route, finalement explosée en un final bruitiste qui revient aux premières boucles synthétiques.
La deuxième partie du disque est inédite. En prenant comme point de départ le livre Prodromes, un collectif est né et propose des visions en photos, vidéos, sculptures et autres arts. Wyhar Ee a utilisé les lectures fournies par Jason Mache et Juliette Deltour. Les voix sont écrasées sous les effets, des sons inhumains les recouvrent (une pensée pour "Hamburger Lady" au démarrage d'"Anxiety"). Les sons se diversifient vite et les influences se superposent sans qu'on puisse les noter une à une. Les sons numériques se font organiques et grouillent, modulant une sorte de pensée libérée, un stream of consciousness musical, oscillant entre curiosités et passages nébuleusement inquiétants. La captation rend parfaitement la profondeur des sonorités (l'équivalent d'un balafon aigu aux sons délicieusement aquatiques sur la fin d'"Anxiety") avec une spatialisation latérale qui différencie le jeu dans les oreilles. La voix de Juliette est gardée dans son essence un simple temps. Des nappes la recouvrent ensuite, la malmènent, comme si elle était tenue en laisse par des rythmes au galop. Là encore, les mouvements sur un même titre déplacent l'attention, obligent à un pas de côté et mettent parfois à distance (deuxième partie psyché-prog de "The Reader's systematic Approach to ungraspable written Material"). Le dernier titre lance aussi sa partition sous forme d'un rituel synthétique de belle facture. Un trip Legendary Pink Dots fortement noirci au charbon des expérimentations, avant le retour de la légèreté prise par la guitare acoustique, mâtinée d'un clavier débonnaire. Fin du texte : le rien et les vérités, le nouveau et le vieux.