Minéral et cristallin. Yann Tiersen est de retour avec ALL. Deux ans après EUSA, balade océane et mélodique, le Brestois multi-instrumentaliste revient avec un dixième album entre Terre et Mer, une liturgie des éléments portée par des textes en langue bretonne et émaillé de sons extradiégétiques. Moments de grâce.
Avant-propos : Si l’opus est sorti en février dernier, n’allez pas croire que l’œuvre soit passée sous nos radars… le temps s’apprivoise dit-on et il est parfois bon de résister à la tyrannie de l’actualité chaude pour mieux la sentir, la saisir, la comprendre et la restituer. CQFD.
À l’heure où la collapsologie nous prophétise le pire, il est des odes à la nature qui travaillent en profondeur notre résilience et nous amènent avec force douceur à cultiver l’émerveillement. Célébration presque mystique fécondée par un procédé minimaliste, ALL tient de l’expérience sensorielle et confirme la capacité de Yann Tiersen à nous projeter dans un temps en dehors de l’horloge atomique. Telle une écriture cinématographique, les onze titres de ce dixième album s’enchaînent comme autant de tableaux sonores portés par les langages breton et féroïen, enrichis de sons captés du terrain (chants d’oiseaux diurnes et nocturnes, cloches, bruits de pas, rires d’enfants). La trame d’une temporalité suspendue s’installe dès le départ. L’album s’ouvre avec un "Tempelhof" aux lignes de piano nostalgiques et identitaires qui reconnectent instantanément à l’univers sonore de prédilection de Yann Tiersen. Pas de surprise : l’on sait où l’on est, mais l’on pressent déjà que l’on va vivre un moment expérientiel.
Ce qui se confirme au fur et à mesure de l’écoute. On se délecte des différentes contributions vocales individuelles ou en chœur sur cet album : notamment celles d’Anna Von Hausswolff remarquable sur "Koad", d’Ólavur Jákupsson (Erc’h), d’Emilie Tiersen, cristalline sur "Pell" ainsi que celles de Gaëlle Kerrien (Heol, Aon) et du compositeur Breton Denez Prigent (Gwennilied).
Sans réelle phase introductive, ni conclusive… ALL est une narration qui s’étire, qui enveloppe, une liturgie avec pour fil rouge la connexion entre l’Homme et la nature.
On en sort neuf, on en sort grandi.