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Livre
01/03/2020

Yvan Corbineau

Le Bulldozer Et L'Olivier

Éditeur : Un Thé Chez Les Fous
Date de parution : 2019/11/01
Note : 90%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Ce petit livre est la transposition en mots et en photos d'une création de 2017. Un soir de mai, à L'Echangeur (théâtre de Bagnolet), Yvan Corbineau (texte et voix), Naïssam Jala (composition, flûtes et voix) et Osloob (composition, rap et chant) assistés de Marek, Elsa, Sara, Baptiste et Christelle ont donné un spectacle en hommage au peuple palestinien sous l'étiquette Cie Le 7 au Soir.
L'Editeur toulousain Un Thé Chez Les Fous avait déjà publié un autre texte d'Yvan, Mamie Rôtie. Ce qui impressionne dès les premières lignes de cette prose poétique, c'est la distance ironique et belle avec laquelle ce vieux conflit est raconté. Yvan dresse une petite fable explicative, pas hargneuse. Il le sous-titre "Conte en 7 morceaux" et place un extrait d'un poème de M. Darwich, "État de Siège", en exergue.

En se plaçant du côté de l'olivier, Yvan convoque aussi Du Bellay et le goût des choses qui s'enfuient, qu'on tente en vain de retenir par le truchement des mots : "Quand elle est bien mûre, l'olive, on peut l'écraser, alors sa chair grasse donne une huile délicieuse, plus ou moins amère et très bonne pour la santé." L'air de ne pas y toucher, naïvement, il caractérise alors l'autre protagoniste de ce drame, le bulldozer : "Ce qui rend le bulldozer populaire pour les grands projets de construction fait qu'il est parfait pour le grand projet de destruction."

La mise en page très libre et aérée place du vide qu'on peut remplir avec ses propres visions des champs d'oliviers ou par le vide de la page blanche, quand les mots peinent à venir, quand le trou laissé par la pelle mécanique est trop insupportable à scruter. Noir et blanc se répondent.
Même lorsque les enfants jouent, le bulldozer miniature renverse les Playmobil. Face à lui, l'olivier a beau jeu de se couvrir des draps de l'éternité, présent bien avant la naissance des hommes, arbre mythologique avant d'être biblique, source de vie, tout comme le lait et le miel promis il y a bien longtemps.

Les jeux de mots abondent. Sans pour autant verser dans le Devos, on reste dans un badinage à la Desproges, presque irritant tant cela paraît simple et distant : "Il se dit qu'il doit sérieusement commencer à se méfier, que le bulldozer ne va pas constamment débiter des phrases étranges et qu'il pourrait bien se mettre plutôt à débiter du bois d'olivier pour le chauffage ou les objets d'artisanat."
Personnifié, l'arbre peut choisir de faire ses bagages et de quitter sa terre ; la tristesse qui s'empare de nous évoque la longue plainte de l'Ent Sylvebarbe. Un autre olivier reste, son pays est vidé des amis émigrés, alors résonnent quelques vers du "Chant des Ramasseuses d'Olives" des Abruzzezs en Italie.
La résistance se met en place, souvent sans soutien, tandis qu'un mur est construit. Quatre photographies de Thierry Caron (Divergence) sont reproduites à la fin du livre : à chaque fois un arbre (olivier ou non) lutte contre un mur, fait corps avec, le dépasse, repousse. La dernière montre une souche tronçonnée.

Un homme qui n'est plus un arbre brave les interdits et passe le mur, une nuit : le risque est grand, celui de croupir quelques années en prison. Il va au bout de son rêve : voir la mer une ultime fois, se sentir presque libre quelques minutes à l'aube.

Le septième mouvement est pamphlétaire sans surenchère. Il trace les multiples "opérations" de 1949 à 2014. Avec les multiples expressions françaises liées au plomb (dont "plomber un arbre : fouler la terre après l'avoir planté"), Yvan s'attarde sur celle nommé Plomb durci de décembre 2008 et janvier 2009.  En italiques et en gras, la page 41 porte cette mention : "Le 21 janvier 2009, près d'un mois plus tard fin de l'Opération Plomb durci. Bilan : 13 morts israéliens, 1300 morts palestiniens."
Dès lors, le final ne peut qu'être un appel à la résolution.
Laisser pousser les arbres et les hommes.

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N.B. 1 : Critiquer la politique de colonisation menée par l'Etat d'Israël depuis 1949 n'est pas être antisémite. Des dizaines d'associations religieuses ou laïques œuvrent pour la paix et dénoncent ces opérations et faux accords sans beaucoup de publicité internationale, dont IEA, réseau Hello-Peace, le village Neve Shalom, le BNC, B'tselem, l'AIC, les Anars contre le Mur, l'Icahd, les assos de Refuzniks, les Femmes en noir, etc.
N.B. 2 : Le Bulldozer Et L'Olivier est le premier texte issu de La Foutue Bande, qui sera aussi publié par Un Thé Chez Les Fous (automne 2020).