Voici le disque de Jad Wio qui ouvre les possibles et fonctionne comme un manifeste pour les mois ou années à venir. Celui-ci s'adresse à tous, connaisseurs et surtout à ceux qui ne collent aucune étiquette au duo. C'est un mini-album de grande envergure. Denis Bortek et Christophe Kbye sont en pleine possession de leurs moyens et ils ne comptent pas bêtement capitaliser sur le passé. Le son de Jad Wio, changeant, protéiforme, a multiplié les surprises tout au long de leur riche "carrière". C'est donc dans un nouvel épisode de cassage des codes que le duo nous invite.
"A Mouse in the Cat" est un rock'n'roll agité, classique et pourtant décalé par un soudain pont, par sa boîte à rythme très affichée. Une fausse pochade dont la joie est communicative (les solos au premier plan pour faire le couillon et bouger son cul !). "French Western" n'est pas la chanson de cow-boys qu'on pouvait attendre (ou craindre ?), mais une élucubration de fête foraine d'un bon gothique moderne, portée par un clavier trébuchant et flippant. La captation de la voix est parfaite, rendant hommage à cette tessiture hors-pair qui n'a jamais perdu son éclat. Un coup de maître.
La reprise du Roxy Music, "In every Dreamhome a Heartache", est là aussi une totale démonstration de force et de passion... La montée émotionnelle est magnifique : l'élégance et la sensualité se mêlent dans ce drôle et vicié rêve d'amour de conte de fées contemporain. À ranger aux côtés de la version originale et la reprise par Rozz Williams et Gitane Demone.
"Incandescent" use de métaphores et comparaisons pour magnifier un amour ritualisé et irradiant qui a, par contre, un peu de mal à me convaincre. C'est mon premier décalage avec leurs intentions dans cet EP. "Solère" en revanche, m'évoque un super démarrage à la Indochine avant un titre bourré de petits mots, très fin de siècle dans ses paroles, et plutôt lumineux dans sa partition pour faire contrepoint. Enfin, "Casablanca" est un titre acoustique qui crée la surprise : donné dans une folk psychédélique (un peu à la Limiñanas, oserai-je), il revient dans le passé marocain pour une épure de souvenirs. Il rattrape le glam-rock de "Moonchild", un poil trop heavy dans son riff principal et qui peine à faire jaillir des pulsions autres que des clichés, la faute à des gimmicks entendus qui saturent le cortex. Comme pour "Les Amours jaunes" sur l'EP Exquis, je gage qu'il me faudrait le séparer de l'ensemble pour pleinement accueillir ce titre, deux écarts avec mes attentes sur sept ou trois sur treize.
Le groupe se demande s'il doit sortir sous format CD les deux derniers EPs... Pour ma part : il n'y a pas à hésiter !