Si le retour de Morthem Vlade Art avec In The Blue Plains Of Paradise a engendré une surprise en 2018 (doublée d’un cru superbement identitaire, ce qui ne gâche rien), Gregg Anthe et Emmanuell.D n’ont pas, in fine, inscrit leur démarche dans le court terme. MVA est redevenu ce que, à vrai dire, nous n’espérions plus : une entité vivante et productive.
Nous voilà en 2021 et en ce mois d’octobre, le binôme de cœur et d’art publie pas moins de deux (!) formats longs, dont la fabrication a coïncidé peu ou prou avec le confinement. Bilan : en trois ans et quelques brouettes, MVA vient de sortir pas moins de quatre formats longs. Le prédécesseur direct des deux nouveaux était Afternoons, dont les aérations electro / rock pop ont pu surprendre. Avec Hard Logic, l’effet de surprise est au rendez-vous, même si certaines esthétiques persistent. Des traces de la marque de fabrique, merci, persistent : la voix reste un élément d’identification fort, indubitablement. L’économie et la relative froideur des formes aussi, lesquelles ouvrent leur réfrigérante enveloppe dès l’introductif "Esther". Et puis il y a ce robotisme magnétique. Anthe dit avoir ressorti de vieilles bécanes pour les nouveaux enregistrements, et le son à la fois chaud et froid de ce (premier des deux) nouveau(x) volume(s) en témoigne.
Les ondulations synthétiques et le travail d’ambiance marquent le disque ("Invisible Horses"), mais Hard Logic ne se résume pas à un tour de main. MVA explore plus que jamais : "Me & Coltrane", le premier single, a décoiffé, et Remi Fox (saxophone) a mis son grain de sel, enrichissant la palette sur deux morceaux ("Esther", "The Prickly Moon"). Anthe crée une tension horrifique sur "Loving Shadow Act II", lequel prolonge, mais dans une tonalité plus masculine, grave et carpenterienne, l’expérience démarrée sur la première version propre au marquant Antechamber (2001). Ailleurs, les ambiances de nuit sont belles et nostalgiques ("Rio"), le sound design de Morthem Vlade Art conservant avec cet ensemble expérimental et touchant une authentique ambition cinématographique.
Et puis Anthe aspire encore et toujours à dynamiser le son de MVA : soit il vous emporte vers une danse que vous avez le sentiment de connaître (l’embrassade de "Stroll", fondez sur place), soit il glisse clin d’œil en pastel pop au funk blanc ayant nourri un certain post-punk early 80’s : sur "The Pendulum Swing", l’attaque piquée et le groove de la basse font digression sans pour autant dépareiller. Et tout ce bau monde défile, sans que jamais l’on ait cette impression que les contraires se déferont les uns des autres. De A jusqu’à Z, un exercice de liaison et de style.