Ces choses, sur l’étagère, un devenir pour elles envisagé hors le format "classique". L’EP est un outil spécifique : vous y présentez ces visages que l’ombre a gardés pour elle, ces matières fixées dont vous êtes certain(e) de la valeur intrinsèque, celles qui vous représentent sans qu’elles puissent trouver place dans l’album, ensemble censé poser jalon. Ou alors, l’EP est appendice : une extension par la réinvention de ce qui existe déjà, de ce qui est sur le disque.
Violent Ghost est appendice. L’occasion pour le projet d’origine bruxelloise The Ultimate Dreamers d’appeler à la rescousse les "invités" : ces gens qui prennent la matière première et la transformeront à leur bon désir. Un angle autre, un rafraîchissement.
Agrégat de versions alternatives, remixes, mixes bruts, Violent Ghost se concentre sur trois titres issus du premier album sorti plus tôt, en 2023. Déclinaison diptyque est offerte à chacun. "Big violent" est le titre phare de l’EP : celui qui arrive en premier, présenté d’abord en "single edit", forme aux guitares acérées mais économes. De par son minimalisme, sa froideur mécanique, le single ancre l’EP dans les marécages d’un rock post-goth 80’s et suicidesque, mais ne circonscrit pas strictement les contours de cette demi-heure de musique. Nous avions remarqué la noire incision de ce rock sur l’album Echoing Reverie, mais la nouvelle version single revoit les aplats synthétiques, et le résultat gagne en frontalité. Le remix qui suit est l’occasion pour les Belges d’afficher un grand nom. C’est, comme on dit, un "coup" : Patrick Codenys (F242) booste le titre phare en réduisant la part de rock et en le dotant d’une cuirasse electro/EBM. L’alliage évoquera des choses aux connaisseurs. Belgique, talents et machines.
"Midnight" est lui aussi décliné deux fois, comme "Piano Ghost". Le minimalisme pianistique de la version "stripped down" sied bien au premier : l’occasion d’approcher une dimension sensible de la création du groupe. De simplicité mais de gravité, la voix se glisse au cœur. Surjeu évité, une retenue qui donne saveur et force au moment. Le "rough mix" de "Piano Ghost" offre pour sa part un rappel electro après le remix de Codenys : l’effet est celui d’un écho, ce qui contribue à lier le contenu de l’EP. Machinisme qui imbibe et se retrouve au menu du remix final de Hørd, dont la technologie baigne d’un clair-obscur l’enveloppe originelle.
L’EP est un outil et devient objet. La discographie parallèle aux albums, prisée qu’elle puisse être par les adeptes die-hard, et autres DJs, par ricochet le milieu des clubs, s’attache des faveurs fétichistes et développe parfois des micro-cultes. C’est bien tout le mal que nous souhaitons au nouvel EP de ces Rêveurs que le temps, celui que nous ressentons, a bonifiés.